Vahatra, un nouvel élan pour l’inclusion financière à Madagascar

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Etape cruciale dans notre partenariat stratégique initié en 2015 pour lutter contre la pauvreté rurale

Depuis cinq ans, la SIDI accompagne l’institution de microfinance (IMF) VahatraRacines en malgache – dans sa transformation institutionnelle. Cette année marque une étape décisive : son passage d’une ONG de microcrédit à une société anonyme (SA) réglementée par la commission bancaire de Madagascar. Ce changement, fruit de plusieurs années de préparation, permet à Vahatra de consolider son modèle et de renforcer ses capacités pour mieux servir ses 20 000 clients. Ces bénéficiaires, majoritairement issus des zones rurales entre Tananarive, Antsirabé et Ampefy, vivent souvent sous le seuil d’extrême pauvreté, dans un pays où 80 % de la population subsiste avec moins de 1,90 USD par jour et où la vulnérabilité face au changement climatique est une des plus fortes au monde.

Pour marquer cette transition, Joan Penche, responsable Afrique de l’Est et Australe de la SIDI, et Gabrielle Orliange, chargée de partenariats pour Madagascar, ont effectué une mission sur place. Ils ont échangé avec les équipes de Vahatra, visité ses agences rurales et rencontré une dizaine de clients pour mieux comprendre leur réalité et les services fournis par l’institution.

L’institutionnalisation : un levier pour l’impact social et financier

L’institutionnalisation de Vahatra représente bien plus qu’un changement administratif. Ce processus a impliqué une transformation complète : mise à jour des systèmes d’information, refonte des processus, préparation d’un dossier d’agrément auprès de la commission bancaire, mise en place d’une nouvelle gouvernance. La SIDI a accompagné cette évolution en apportant un soutien technique d’une part pour le processus légal d’obtention de l’agrément ainsi que la migration vers un nouveau système d’information, et stratégique d’autre part , notamment par la participation active de la chargée de partenariats au comité de pilotage de cette transition.

Pour pérenniser ce partenariat, la SIDI devient actionnaire de la société nouvellement créée, à hauteur de 23% (130 000 EUR) et obtient ainsi deux postes d’administrateur. Elle continue également à soutenir Vahatra via une garantie permettant à l’institution de contracter un prêt auprès d’une banque locale. Ce double engagement reflète l’importance stratégique de cette institution pour le développement rural malgache.

Une vision holistique au service des populations vulnérables

Si la SIDI met autant de moyens au service de la transformation de Vahatra, c’est bien parce que le partenariat avec cette petite IMF revêt un sens particulier.  Vahatra se distingue en effet par une approche intégrée qui combine services financiers et accompagnement technique et social sur mesure à ses clients, qu’elle appelle ses partenaires. Possédant une grande expérience dans le financement de l’agriculture, elle a su développer une méthodologie de prêt adaptée aux besoins des producteurs et éleveurs qu’elle finance. En parallèle des services financiers, Vahatra offre des services techniques et des formations : par exemple pour les éleveurs de porcs financés (filière représentant 35% du portefeuille de l’IMF), Vahatra propose systématiquement une assistance technique sur les mesures permettant de limiter les risques de fièvre porcine. De plus, Vahatra a également mis en place un système de mutuelle de santé obligatoire pour l’ensemble de ses clients partenaires. Ce service a été développé suite au double constat qu’en cas d’accident, les frais médicaux engendrés représentaient souvent des montants trop importants pour les foyers ciblés par Vahatra : cela les menait à devoir faire un choix entre se soigner ou rembourser leur crédit. La mutuelle couvre l’ensemble du foyer du bénéficiaire pendant la durée du crédit. Enfin, forte de sa vision développementale, Vahatra propose également des services sociaux et environnementaux additionnels, notamment des sessions de sensibilisation à la santé infantile et maternelle ; de coaching à l’obtention de papiers d’identité ; et de fourniture de plants issus de pépinières gérées par l’IMF. Ces actions renforcent la résilience des communautés tout en promouvant des pratiques durables.

Des outils innovants pour mesurer l’impact et limiter les risques

L’innovation sociale est au cœur de l’approche de Vahatra. L’institution se distingue ainsi également par les outils d’analyse qu’elle utilise pour évaluer et suivre ses clients bénéficiaires. A l’heure où le secteur de la microfinance dédie un intérêt grandissant à la mesure de l’impact et des résultats (« outcome measurement »), Vahatra est déjà en avance sur la thématique. Depuis plusieurs années, elle utilise la « photo de famille », une grille d’analyse qui permet de mesurer la pauvreté multidimensionnelle de ses bénéficiaires à travers des critères tels que le logement, la nutrition ou l’accès à l’eau. Cet outil évalue également l’évolution des conditions de vie des clients sur plusieurs cycles de crédit.

En parallèle, l’IMF a développé des grilles d’analyse spécifiques pour chaque filière agricole qu’elle finance (porcine, riz, pommes de terre). Ces outils permettent aux agents de crédit d’identifier les risques propres à chaque exploitation et de proposer des solutions adaptées. Par exemple, pour les éleveurs de porcs, la grille évalue des éléments tels que la qualité de l’alimentation, des abris et l’accès aux soins vétérinaires.

Un modèle pour l’avenir

Face aux défis réglementaires et opérationnels, l’institutionnalisation de Vahatra marque un tournant stratégique. En séparant les activités de microfinance des volets sociaux et de santé, la nouvelle société anonyme gagne en efficacité tout en conservant sa mission sociale forte désormais portée par l’ONG.

Le partenariat entre la SIDI et Vahatra témoigne de l’impact que la finance solidaire peut avoir sur des communautés vulnérables. En alliant expertise technique et engagement humain, ce projet démontre qu’il est possible de concilier viabilité économique et impact social durable. Grâce à cette transformation, Vahatra est mieux armée pour répondre aux défis complexes de la pauvreté et du changement climatique, contribuant ainsi à bâtir un avenir plus prometteur pour les populations rurales de Madagascar.

Voyage SIDI en Tunisie, des solutions locales face aux défis globaux

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Plongée au cœur des initiatives qui transforment les défis économiques et sociaux du pays en opportunités concrètes.

Début novembre, un groupe d’épargnants et actionnaires solidaires de la SIDI s’est rendu en Tunisie pour découvrir de quelles façons leurs investissements prennent vie sur le terrain. Ce voyage leur a permis de rencontrer les partenaires locaux de la SIDI et de découvrir les projets soutenus, incarnant ainsi la chaine de solidarité financière qui unit épargnants ici, et micro-entrepreneurs ou petits producteurs là-bas.

La Tunisie fait face à des crises multiples : transition démocratique à l’arrêt, services publics dégradés, inflation galopante, chômage très élevé en particulier chez les jeunes, émigration d’ampleur vers l’Europe et le Canada, immigration illégale en provenance d’Afrique sub-saharienne etc. A ces défis politiques, économiques et sociaux, s’ajoute la question environnementale et en particulier la crise hydrique exacerbée par les sécheresses récurrentes. Dans ce contexte, les partenaires de la SIDI, qu’ils se situent dans les filières agricoles durables tels que Beni Ghreb et South Organic, ou dans le secteur de la microfinance comme Enda Tamweel, jouent un rôle crucial pour soutenir les communautés vulnérables dans leur développement économique et l’amélioration de leurs conditions de vie.

Enda Tamweel : la microfinance au service de l’émancipation

Enda Tamweel est devenue la première Institution de Microfinance (IMF) du pays : 472 000 clients pour un pays de 11 millions d’habitants. La SIDI en est partenaire depuis sa création en 2015, date à laquelle elle est entrée au capital de l’IMF. Enda Tamweel propose des petits prêts destinés à soutenir les micro-entrepreneurs et petits agriculteurs dans leurs activités économiques. Elle cible en priorité le secteur informel (59% de ses clients vivent en dessous du seuil de pauvreté), les femmes et les jeunes, et le secteur rural avec un soutien stratégique à l’agriculture. L’IMF est ainsi aujourd’hui le premier financeur de la petite agriculture tunisienne.

Lors de nos visites, nous avons pu échanger avec des bénéficiaires dont les parcours inspirants illustrent l’impact de cette organisation. Dans un quartier populaire de Tunis, nous avons rencontré Amina, commerçante et cliente d’Enda depuis des années. Amina en est à son 12e cycle de prêt avec Enda, ce qui lui a permis d’agrandir son activité, avoir un stock suffisant, et dès lors scolariser ses enfants et sécuriser son avenir. Dans un autre quartier, un atelier de couture soutenu par Enda depuis plus de 20 ans emploie aujourd’hui sept femmes, démontrant que la microfinance peut être un levier de développement durable à long terme. À Kairouan au centre du pays, un autre bénéficiaire nous a impressionnés par son petit élevage de vaches laitières. Ce projet, démarré avec l’achat d’une seule vache grâce à un microcrédit, a progressivement évolué pour compter sept vaches et une étable équipée. Avec l’appui continu de son conseiller spécialisé, il répond désormais aux normes strictes de la laiterie locale, qui collecte son lait.

De l’éleveur ayant débuté avec une vache à l’artisane qui confectionne des robes de soirée et emploie désormais sept couturières, ces initiatives témoignent de l’impact durable de la microfinance. Ce soutien va bien au-delà du financier. En effet, Enda propose à tous ses clients des formations gratuites et un accompagnement de proximité, garantissant d’une part une relation de confiance très forte entre agent de crédit et bénéficiaire, et d’autre part la pérennité des projets et une véritable inclusion sociale. Ces initiatives transforment non seulement des vies individuelles mais aussi des communautés entières.

South Organic et Beni Ghreb : l’innovation face à la crise de l’eau

Dans le sud de la Tunisie, la gestion de l’eau est un défi quotidien pour les agriculteurs et notamment les producteurs de dattes. Direction l’oasis d’Hazoua, à la frontière algérienne, où une famille de producteurs a créé et gère une petite entreprise de commercialisation et exportation de dattes Beni Ghreb. L’entreprise est adossée au Groupement pour le Développement de l’Agriculture en Biodynamie qui regroupe une centaine de producteurs de l’oasis. Les dattes produites sont de la variété Deglet Nour dont la qualité est excellente. Assister à la récolte des dattes sur la parcelle d’un des producteurs est un moment magique. Nous avons pu voir le système d’irrigation mis en place, par aspersion, qui permet d’économiser 70% de la consommation d’eau, et qui permet de faire pousser d’autres cultures entre les dattiers, notamment des arbustes fruitiers. Puis nous avons visité l’unité de conditionnement qui emploie une centaine de jeunes femmes du village. Beni Ghreb lutte pour maintenir son autonomie dans un contexte économique très fragile. L’émotion était palpable lorsque le fondateur a rappelé que, grâce à l’appui financier de la SIDI, et donc de ses actionnaires, la communauté avait surmonté des crises majeures comme la sécheresse, les infestations d’insectes, et surtout la crise du Covid qui avait stoppé les exportations. « Ce projet c’est la vie pour Hazoua ! » a-t-il insisté.

South Organic, autre PME de conditionnement et exportation de dattes partenaire de la SIDI, située à Kebili à une centaine de kilomètres plus à l’Est, s’attaque également à la problématique de l’eau avec des solutions innovantes. South Organic travaille avec 200 producteurs certifiés en bio, et emploie un peu plus de 500 salariés, majoritairement des femmes. Accompagnés par le directeur, la responsable du contrôle qualité, nous avons visité leur verger pilote Al Wahaat où l’ingénieure hydraulique en charge du projet nous a expliqué le système d’irrigation mis en place. Ce dispositif réduit drastiquement le gaspillage d’eau en ciblant les besoins exacts des cultures, en stockant l’eau, et en alternant les techniques d’irrigation selon les périodes de l’année. Avec cette gestion optimale de l’eau, les étages de culture sous les dattiers (légumineuses, arboriculture etc.) sont rétablis et peuvent assurer aux producteurs des revenus complémentaires tout en favorisant la biodiversité locale. Le verger pilote est ouvert à tous les agriculteurs de la région ; ils sont invités à visiter la parcelle et à s’approprier ces nouvelles techniques, amplifiant ainsi son impact à l’échelle locale.

Un message universel

Chaque étape de ce voyage a illustré la force d’une solidarité internationale concrète et efficace. Les projets rencontrés, qu’ils concernent la microfinance ou l’agriculture durable, incarnent les valeurs que défend la SIDI : persévérance, solidarité et respect de l’humain. Pour les participants, ce séjour a non seulement permis de voir l’impact de leurs investissements, mais aussi de nourrir leur engagement en faveur d’un développement plus juste et durable.

L’IMF ALIDé, nouveau partenaire de la SIDI au Bénin.

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La SIDI est ravie de partager son nouveau partenariat avec ALIDé (Association de Lutte pour la promotion des Initiatives de Développement), une institution de microfinance béninoise.

Le développement de la SIDI en Afrique de l’Ouest

Le déploiement de la SIDI au Bénin entre dans sa stratégie de développement. L’ouverture d’un bureau régional de la SIDI à Lomé au Togo en 2023 renforce la proximité avec ses partenaires en Afrique de l’Ouest et facilite la création de nouveaux partenariats. Cette proximité géographique permet davantage de souplesse pour la réalisation des missions, dont celles de prospection. C’est dans le cadre d’une de ces missions au Bénin que la SIDI a tissé des liens avec ALIDé, débouchant aujourd’hui sur ce nouveau partenariat.

ALIDé, un partenaire aligné avec la SIDI, dans un contexte béninois difficile

Grâce à ses 17 points de services, dont 10 agences et ses 85 agents, l’Institution de microfinance ALIDé œuvre à améliorer les conditions de vie des populations vulnérables et à faible revenu sur toute l’étendue du territoire béninois. Créé en 2006, ALIDé dessert à ce jour environ 50 000 clients, en proposant des services financiers essentiels. Cela leur permet de réaliser des projets tant personnels que professionnels.

En 2022, ALIDé a renforcé ses engagements sociaux autour de valeurs fortes dans le cadre de la révision de sa stratégie sociale. L’engagement principal concerne les femmes, avec l’objectif de les soutenir davantage pour favoriser leur inclusion sociale et économique. Des indicateurs clairs et mesurables ont été définis à cet effet.

L’Association accompagne des projets dans différents secteurs, dont l’agriculture, par des services non-financiers et des produits financiers dédiés. Une ambition que la SIDI soutient, dans un contexte général d’aggravation de risques dans le secteur agricole et d’une situation économique impactée par des fortes décisions politiques au niveau local depuis 2023. En effet, les évolutions de la situation politico-économique au Bénin sont marquées par une timide reprise des transactions commerciales avec le Niger (80% du transit sur le port de Cotonou provient du Niger) malgré la décision prise par les pays membres de la CEDEAO, dont le Bénin de reprendre les échanges commerciaux avec le Niger et la réouverture des frontières avec ce pays. En outre, en 2023, l’intervention de l’État dans la fixation des prix dans certaines filières comme le soja a quelque peu impacté le bon déroulement de la campagne pour certains producteurs d’ALIDé

Ainsi, le travail d’ALIDé est essentiel à la fois comme financeur et surtout comme conseiller pour garantir la continuité des activités de ses membres dans un environnement en perpétuel changement.

Les objectifs du partenariat

Le partenariat entre la SIDI et ALIDé aura une double dimension conformément à la stratégie de la SIDI : apport financier et accompagnement technique. Plusieurs domaines d’intervention et axes d’accompagnement ont été identifiés pour appuyer le développement des activités et la finalisation de son processus de digitalisation amorcé depuis 2018. Ces domaines seront définis et prioriser de commun accord entre l’association et la SIDI.

Ce partenariat permet ainsi à ALIDé d’augmenter sa capacité de financement à moyen terme. En même temps, il marque le retour des activités de la SIDI au Bénin, où celle-ci ne comptait plus de partenariat actif en fin d’année 2023. La SIDI s’inscrivant toujours dans des partenariats de long terme, entend poursuivre son déploiement dans ce pays, en appuyant des acteurs engagés dans la réalisation de leur mission sociale comme ALIDé.

Témoignage à l’assemblée générale de la SIDI : résilience et impact social de la Financiera FDL

présentation Julio Flores AG SIDI

A l'occasion de son Assemblée générale, la SIDI a invité Julio Flores, directeur général de la Financiera FDL.

Cette année, l’assemblée générale fut l’occasion pour la SIDI d’inviter l’un de ses partenaires à témoigner. Julio Flores, directeur général de la Financiera FDL, est venu présenter l’activité de cette institution de microfinance (IMF) qui œuvre au Nicaragua, 2ème pays le plus pauvre d’Amérique centrale.

Les échanges fructueux entre Julio Flores et les actionnaires de la SIDI se sont également poursuivis le lendemain matin, lors d’une session questions – réponses. Ce temps a permis d’entrer plus en détails dans l’activité de FFDL et de sa formidable capacité de résilience face aux crises.

L’ONG Fondo de Desarrollo Local (FDL), est créée en 1993 par les Jésuites, à la suite de la guerre civile. L’objectif de FDL est d’améliorer les conditions de vie des Nicaraguayens les plus vulnérables en leur fournissant des prêts, des formations et des services d’accompagnement pour les aider à développer leur activité et alors que les banques ne s’intéressent pas à ce public. Financiera FDL est devenue la première IMF du pays et une des plus importantes d’Amérique centrale. L’institution cible principalement les personnes à faible revenu, les agriculteurs, éleveurs et micro-entrepreneurs en milieu périurbain. Grâce à 38 agences, la Financiera dispose d’un maillage territorial important, lui permettant de réaliser 70% de ses crédits en zone rurale, auprès de populations ayant peu d’accès aux crédits.

 

La Financiera FDL et sa résilience face aux crises.

L’essor de FDL a été ralenti une première fois par la crise de 2008 à 2011. En plus de la crise économique mondiale, un mouvement politique anti IMF « Movimiento del no pago » (mouvement de non-paiement), s’est développé. Il a conduit à la baisse du nombre de clients et des défauts de paiements dans le secteur de la microfinance. FDL, malgré une baisse du portefeuille et des clients d’environ 50%, a réussi à se restructurer, avant de créer, en parallèle de l’ONG, la société financière Financiera FDL (FFDL) en 2016. Pour structurer cette société financière, FDL a choisi « des partenaires internationaux partageant sa vision ». C’est ainsi que la SIDI est entrée au capital comme actionnaire minoritaire.

Une seconde crise a touché le pays de 2018 à 2021. Le conflit politico social (répression meurtrière par le régime autoritaire) et l’instabilité économique ont provoqué une contraction du PIB pendant trois ans. Des migrations massives (10% de la population a fui le pays) ont été causées par la persécution contre la société civile, dont l’Église. Le nombre de clients de FFDL a chuté. Cette récession et la baisse de l’activité ont été aggravées par la crise Covid. Plusieurs IMF ont fait faillite, tandis que le portefeuille de FFDL a de nouveau diminué de 50% (plus de 6 millions de dollars de pertes en 2018 et 2019)

Pour s’en sortir, FFDL a surmonté plusieurs enjeux : le renouvellement de sa clientèle, la consolidation de son portefeuille et la constitution de réserves. Pour l’appuyer, la SIDI a participé à la recapitalisation de FFDL et fait un prêt subordonné à 5 ans (encours total de plus de 1,7 M€ en 2023). Cette seconde prise de participation porte à 4,4% la part de la SIDI dans le capital de FFDL. Fort du soutien de ses actionnaires internationaux, FFDL a pu négocier avec les bailleurs de fonds qu’ils maintiennent les lignes de crédit.

FFDL a réalisé un redressement spectaculaire. Le portefeuille est en croissance depuis la fin de la crise, avec une prévision de +12% en 2024, ce qui va permettre de recouvrir les 6 millions de dollars de pertes enregistrées ces dernières années. Tout ceci a été rendu possible grâce également au sérieux de la gestion et au savoir-faire de la direction de l’entreprise.

 

FFDL une IMF à fort impact social et environnemental.

Le Nicaragua est un des pays les plus exposés au changement climatique. L’économie repose en partie sur l’élevage bovin (54% des terres agricoles) et le taux de déforestation est le second plus élevé d’Amérique centrale. Ces activités sont fortement polluantes et destructrices, alors que de graves sécheresses réduisent les rendements agricoles de 20 à 40%.

L’IMF a développé depuis des années une offre d’accompagnement très complète à la transition agroécologique, à destination des producteurs et éleveurs. L’accompagnement des producteurs aux pratiques agroécologiques porte sur des thèmes comme la gestion de l’eau ou l’arboriculture combinée à l’élevage. Cette assistance technique est prise en charge partiellement ou intégralement par FFDL selon le niveau de vie des clients.

Afin d’améliorer les revenus des producteurs et de réduire la pauvreté, FFDL soutient la transformation des produits, tels que le conditionnement du café pour l’exportation. Cette transformation de la matière première sur place par les producteurs permet de créer de la valeur ajoutée, de diminuer le nombre d’intermédiaires et ainsi, de vendre leur production à un prix supérieur, garantissant ainsi de meilleurs revenus aux producteurs locaux.

FFDL cherche à maximiser son impact et les résultats sont là. Selon une enquête indépendante en partie financée par la SIDI, en 2023, plus de 60% des clients de FFDL déclarent ressentir une amélioration de leur niveau de vie. La structure adapte ses prêts en montant et en durée selon les besoins des clients. Elle octroie des prêts de 14 mois en moyenne (pour les commerçants et les entreprises) jusqu’à 36 mois pour les activités agricoles. Cela a valu à FFDL d’être récompensée par le Microfinance Index en 2023. (voir l’article sur ce sujet).

FFDL fait preuve d’une résilience impressionnante, tout en maintenant une forte dimension sociale et environnementale, avec une priorité sur l’inclusion financière en zone rurale et la protection de l’environnement.

Pour Julio Flores, « bien que la SIDI soit un actionnaire minoritaire, elle est très présente dans les moments importants de FFDL. La participation active de la SIDI à la gouvernance de FFDL avec l’implication d’un consultant bénévole (au sein de son Conseil d’Administration) est déterminante ».

La SIDI signe un nouveau partenariat en Colombie avec Soluna Energia

Soluna Energia

La SIDI a conclu un investissement stratégique dans Soluna Energia pour contribuer à l’accès des communautés rurales colombiennes à une énergie propre et régulière grâce à l’énergie solaire.

Plus de la moitié du territoire colombien (55%), particulièrement accidenté, et environ 40% de la population, ne sont pas reliés au réseau électrique national. Soluna est une entreprise colombienne spécialisée dans l’installation, l’opération et la maintenance de systèmes solaires domestiques. Créée en 2020, elle a pour mission de faciliter l’accès à l’électricité aux communautés rurales non connectées ou avec un accès limité au réseau national, grâce à des solutions photovoltaïques adaptées et à un modèle de paiement flexible pour les consommateurs.

Investissement stratégique

Pour la SIDI c’est un premier pas dans le développement de son portefeuille climat en Amérique Latine, s’inscrivant directement dans son nouveau plan stratégique 2023-2026. C’est en outre son 3e investissement en Colombie, actant ainsi une intéressante diversification du portefeuille dans le pays. La SIDI finance et accompagne actuellement une organisation de producteurs de café (Cencoic) et une institution de microfinance (Confiamos).

Impact social et environnemental

Depuis ses débuts, Soluna a installé des systèmes solaires domestiques pour plus de 300 ménages dans 19 communautés de Vichada à l’est du pays dont deux communautés indigènes, permettant au total à 1600 personnes de bénéficier d’électricité en milieu rural. 43% des bénéficiaires sont des femmes, 40% sont des familles à revenus bas, et 30% considérées comme pauvres. Le partage d’objectifs sociaux avec Soluna est clair, notamment en faveur des communautés rurales défavorisées et exclues des services de base. Soluna vise principalement, mais pas uniquement, les petits exploitants agricoles et indigènes des zones rurales. Ses clients, qui n’ont pas le capital nécessaire pour acheter comptant, se voient proposer de payer petit à petit, grâce au système innovant de prépaiement « Pay as you go ».

D’après les enquêtes réalisées auprès des utilisateurs, 30% ont un usage productif de l’énergie solaire fournie par Soluna, dont 2/3 disent avoir connu une hausse de leurs revenus. Des résultats impressionnants, avec 90% des bénéficiaires signalant une amélioration de leur qualité de vie. Sur le plan environnemental, l’énergie solaire ainsi produite remplace principalement des lampes à kérosène et des groupes générateurs diesels chers et polluants : 55% des clients assurent ainsi ne plus avoir recours aux solutions au kérosène.

La chargée de partenariat de la SIDI s’est récemment rendue sur place, dans le petit village de Casuarito frontalier avec le Venezuela et a pu constater, auprès de Yurika, une jeune femme d’origine vénézuélienne qui y tient un petit commerce, comment l’énergie de Soluna contribue à améliorer ses conditions de vie et celle des 3 personnes avec qui elle habite. Casuarito est relié au réseau local, mais celui-ci fournit un service très irrégulier, avec des coupures de courant en journée, et surtout la nuit, pendant huit heures d’affilé. Or les températures de la zone restent élevées la nuit, les ventilateurs sont un bien précieux. Au petit matin, levée bien tôt, grâce à l’énergie de Soluna, elle peut utiliser ses petits appareils électroménagers pour préparer le petit déjeuner, et recharger son portable avant de partir travailler. Le cout de cette énergie est plus qu’abordable dit-elle, et dans son cas il est partagé avec sa famille. Le système, délivré avec quatre ampoules et deux prises doubles, fonctionne très bien, et les techniciens de Soluna assurent en outre des visites de suivi deux à trois fois par an. Yurika préfère de loin l’énergie solaire, et installera sur le toit de son petit commerce d’autres panneaux quand elle en aura besoin.

Investissement et plan de développement

La SIDI entre donc au capital de Soluna, aux côtés d’autres investisseurs sociaux, dans le cadre d’une levée de fonds qui permettra à Soluna de passer d’une phase de démarrage à une phase de développement ambitieuse. Avec un plan de développement sur 10 ans, Soluna prévoit d’installer 60 000 systèmes solaires domestiques. Outre l’investissement financier, la SIDI apporte au projet son expérience de travail avec les communautés rurales et agricoles et notamment d’accompagnement pour leur renforcement.

Ce partenariat entre la SIDI et Soluna est une nouvelle étape dans la promotion de l’accès à une énergie renouvelable dans les régions rurales de Colombie. La combinaison de l’approche sociale et environnementale ambitieuse de Soluna, et de la vision à long terme de la SIDI, concrétisée par une prise de participation au capital de l’entreprise, démontre le potentiel transformateur de l’énergie solaire pour améliorer les conditions de vie des populations vulnérables tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique.

Nutri’zaza : dix ans de lutte contre la malnutrition à Madagascar

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Retour sur 10 ans de partenariat avec Nutri'zaza, cette entreprise malgache tellement innovante

Nutri’zaza est née de la volonté de cinq acteurs engagés, partageant une vision sociale et économique commune : une entreprise sociale peut s’engager dans la lutte contre la malnutrition. La diversité de ses actionnaires fondateurs, l’inscription de la mission sociale dans ses statuts, et sa capacité d’innovation, sont autant de forces de Nutri’zaza.

En 2013, à l’occasion du lancement des activités de l’entreprise sociale Nutri’zaza fondée sur le programme de développement Nutrimad initié par le Gret, était publié un livre blanc visant à détailler comment l’entreprise souhaitait lutter contre la malnutrition. A l’époque, le constat était sans appel : plus de 50% des enfants de moins de cinq ans, soit 1 300 000 enfants, souffraient d’un retard de croissance (appelé aussi malnutrition chronique). Dix ans après, malgré une amélioration relative en pourcentage, le nombre d’enfants dans cette situation à Madagascar a augmenté : 42% des enfants de moins de cinq ans soit plus de 2 millions de jeunes souffrent toujours de malnutrition chronique. On rappelle que Madagascar fait toujours partie des pays les plus pauvres du monde : plus de 80% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.

Lutte contre la malnutrition : 10 ans d’innovations

Pour lutter contre la malnutrition infantile de façon pérenne, l’entreprise vend des produits fortifiés à destination des enfants et familles souffrant de malnutrition : de la bouillie déjà préparée, livrée par des animatrices dans les quartiers défavorisés des grandes villes de Madagascar ; des sachets de bouillie à préparer chez soi, et enfin des barres céréalières et des sachets de moosli (muesli). Ce sont des produits de qualité, fabriqués localement, que Nutri’zaza veille à rendre accessibles aux familles malgaches, y compris les plus vulnérables.

Dans ce pays aux multiples défis, le secteur privé démontre son dynamisme et sa capacité d’innovation afin de répondre aux problématiques socio-économiques et sanitaires. En termes de santé publique, l’objectif social de Nutri’zaza est donc plus que jamais d’actualité. L’entreprise parvient à toucher un public considérable : Nutrizaza distribue par jour en moyenne plus de 42 000 rations, dont 23 500 à la louche auprès des populations les plus vulnérables, et emploie 273 personnes.

Entreprise atypique du portefeuille de la SIDI historiquement dédié à l’inclusion financière et aux chaînes de valeur agricole, l’alignement de la mission de cette entreprise sociale avec la mission sociale de la SIDI en fait un partenaire central sur la Grande Ile. Cet alignement est garanti par l’inscription de cette mission sociale dans les statuts même de Nutrizaza.

Un partenariat durable, une clé pour la consolidation de l’entreprise

La SIDI est fière d’accompagner le développement de cette entreprise sociale depuis 10 ans : grâce à son capital patient, sa participation à la gouvernance et son accompagnement technique, la SIDI contribue à la consolidation de Nutri’zaza. Aux côtés de la SIDI on retrouve bien évidemment le Gret, initiateur du projet Nutrimad ; TAF, un groupe agro-industriel malagasy à qui est confié entre autres la fabrication de la Koba Aina, et l’Association pour la Promotion de l’Entreprenariat à Madagascar[1]. La grande complémentarité de ces actionnaires, participant tous à la gouvernance de l’entreprise, est une force pour Nutri’zaza. A ce titre, chaque actionnaire apporte son expertise et ses connaissances techniques : la SIDI est ainsi particulièrement attentive à l’équilibre du modèle économique de l’entreprise.

Depuis 10 ans, la SIDI a pu accompagner Nutri’zaza dans ses différentes phases de déploiement, permises grâce au soutien de bailleurs institutionnels, notamment celui de l’Agence Française de Développement et de l’Union Européenne. C’est ainsi qu’au fil des années, Nutri’zaza a diversifié son offre de produits en nouant notamment un partenariat fort avec la Chocolaterie Robert autour de la production de deux nouveaux produits fortifiés : une barre chocolatée et un moosli, à destination des enfants plus âgés.

Ainsi, en 10 ans Nutri’zaza a su démontrer ses capacités d’innovation, mais aussi de résilience face à des chocs externes importants, notamment la crise sanitaire du COVID 19. Les équipes doivent désormais poursuivre leur travail afin de consolider le modèle de l’entreprise.

[1] Parmi les actionnaires fondateurs, on retrouvait également Investisseurs et Partenaires, qui a vendu ses parts aux actionnaires restants en 2017.

Crédits photos : Nutri’zaza 2023

Équateur : comment la SIDI soutient l’engagement écologique d’une banque

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Depuis 2017, la SIDI est engagée dans le capital d’une banque sociale et populaire équatorienne, Banco Codesarrollo. Celle-ci apporte des services financiers aux petits producteurs, aux organisations de producteurs coopératives d’épargne et de crédit, et aux employés du secteur public ou de l’économie sociale.

Une banque au service du développement et de la protection de la planète ? L’Équateur l’a fait et l’expérience mérite d’être contée : Banco Codesarrollo compte aujourd’hui plus de 130.000 clients !

Créée en 1998 à l’initiative du “Grupo Social Fondo Ecuatoriano Populorum Progresso” (FEPP), Banco Codesarrollo était initialement une coopérative d’épargne et de crédit.

Au fil des ans, Banco Codesarrollo s’est développée en tant qu’institution de l’économie sociale et populaire du secteur privé équatorien et a réussi sa transformation en banque. Aujourd’hui, Banco Codesarrollo propose des services financiers et non-financiers adaptés à sa population cible, notamment en zone rurale.

La SIDI investisseur solidaire, s’est engagée dans le capital de la banque en 2017, à hauteur de 1,8 millions d’euros. Cristina Alvarez, chargée de partenariats à la Sidi, indique que ce « premier investissement a permis à la banque équatorienne d’atteindre le capital minimum légal exigé » dans le pays, qui est de 11 millions de dollars. Un second tour de table a eu lieu en 2019, qui a permis à la SIDI « d’accompagner la croissance régulière du portefeuille tout en limitant l’endettement de Banco Codesarrollo », poursuit Cristina Alvarez.

Aujourd’hui, la SIDI est représentée au conseil d’administration de Banco Codesarrollo par Patricia Camacho. Celle-ci siège aux côtés de plusieurs banques sociales italiennes, également actionnaires de l’institution. Ce lien particulier avec l’Italie est incarné par le président de Banco Codesarrollo lui-même, Giuseppe Tonello Foscarini, italien de naissance mais qui vit en Équateur depuis plus de 30 ans.

“Crediecológico”, un produit financier contre le changement climatique

Avec près de 130.000 clients en 2021 dont 46% de femmes, avec 56% de clients situés en zone rurale et 27% de jeunes de moins de 30 ans, Banco Codesarrollo s’engage dans plusieurs aspects du développement rural mais aussi dans l’écologie.

En 2018, la banque a lancé un nouveau produit financier pour financer la transition écologique, le “Crediecológico”. Cristina Alvarez le définit comme un « produit qui a pour but de promouvoir la protection de l’environnement et de lutter contre le changement climatique ».

Avec ce nouveau produit, Banco Codesarrollo a « orienté sa gestion vers des activités respectueuses de l’environnement comme les activités agricoles durables, la souveraineté alimentaire, la récupération des sols, la gestion des eaux usées, ou encore l’utilisation des énergies alternatives », explique Cristina Alvarez. En 2021, au travers d’une centaine de prêts octroyés, un million de dollars ont ainsi pu venir financer ces activités.

Autre avantage du « Crediecológico », ce prêt propose non seulement « des conditions préférentielles en termes de taux d’intérêt, de montant et de durée du crédit », mais il inclut aussi « un accompagnement technique aux clients », précise Cristina Alvarez.

Banco Codesarrollo a par ailleurs travaillé sur sa propre empreinte écologique. En 2021, l’institution a par exemple intégré « un système de gestion environnementale organisationnelle dans les processus institutionnels », permettant notamment une meilleure gestion des déchets, l’attribution de dons à des fondations locales en cas de remplacement d’équipements, ou encore le financement de campagnes de recyclage ou de baisse de la consommation d’énergie.

« Promouvoir davantage la vision de la SIDI en tant qu’investisseur solidaire »

Mais le rôle de la SIDI n’est pas uniquement celui d’un financeur, il est aussi d’accompagner ses partenaires au travers de projets d’’assistance technique. Patricia Camacho, au conseil d’administration de Banco Codesarrollo, a joué un rôle très important dans la conception, le déroulement et la coordination de différentes assistances techniques financées par la SIDI.

Cet accompagnement est important pour la SIDI, qui a inscrit dans son plan stratégique la prise en compte de la dynamique environnementale et sociale, explique Cristina Alvarez. La transition écologique et sociale est même devenue « un axe central de sa stratégie et un point marqueur dans sa politique de partenariats ».

Pour montrer la réussite de ces partenariats, la SIDI a organisé un voyage en Équateur début septembre pour une quinzaine de ses actionnaires individuels, ce qu’elle n’avait pas pu réaliser depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020. Objectif du voyage : donner une réalité à leur engagement en tant qu’actionnaire solidaire. La SIDI rappelle que près de 40% de son capital est détenu par des actionnaires individuels. Une belle façon de relier les sociétés civiles ici et là-bas.

Au Mali, la SIDI aide le réseau mutualiste Nyèsigiso

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Le réseau mutualiste Nyèsigiso basé au Mali pratique la micro-finance dans les zones rurales, à destination des populations les plus pauvres. Fragilisé par une importante perte en capital, il a obtenu deux fois le soutien de la SIDI, en 2020 et 2021, pour se recapitaliser et pour se relancer.

Dix ans de guerre au Mali n’ont pas laissé Nyèsigiso indemne. Né en 1990, ce réseau mutualiste de caisses d’épargne et de crédit a notamment dû fermer les portes de sa caisse coopérative à Diré, au nord du pays. Un coup dur pour les bénéficiaires. Principalement situé en zone rurale, le réseau travaille en effet à destination des personnes les plus pauvres, dont de nombreux agriculteurs et agricultrices.

Composé de 15 caisses, 58 agences et 10 guichets à travers le pays, Nyèsigiso, la « maison de la prévoyance » en Bambara, est donc un acteur structurant pour l’économie malienne. La mise à mal de ses finances l’a poussé à chercher des solutions pour lui permettre de préserver sa mission. C’est dans ce cadre que le réseau mutualiste a fait appel à la SIDI.

La SIDI accorde des prêts ou prend des parts au capital de structures qui partagent ses valeurs. En outre, la SIDI prête de l’argent sans demander de garanties, donc avec un risque de pertes élevé. Un pari risqué, mais essentiel : c’est en accordant un premier prêt à Nyèsigiso en 2020, alors même qu’il était décapitalisé, que la SIDI a contribué à redresser ce réseau mutualiste malien.

« Notre intervention a permis de créer un effet levier », explique Jean-Baptiste Cousin, chargé de partenariats à la SIDI. L’engagement de la SIDI a fait renaître la confiance chez d’autres bailleurs internationaux et « Nyèsigiso a pu lever dix fois le montant prêté par la SIDI ». Le réseau mutualiste a ensuite terminé l’année avec un « profit de 285 millions de CFA (plus de 435.000 €) », et il a redressé ses fonds propres à hauteur de 7,19% de son capital.

Un ancrage local fort

C’est l’ancrage local, très fort, du réseau mutualiste qui a convaincu la SIDI d’investir. Dans une étude menée en 2022, le cabinet 60 Décibels qui mesure l’impact des entreprises avait relevé que 91% des personnes interrogées affirmaient avoir amélioré leur qualité de vie grâce à Nyèsigiso. L’étude montre aussi que près de 9 clients sur 10 n’avaient jamais pu accéder auparavant à un service tel que celui du réseau mutualiste.

Enfin, alors que « 60% de ses membres vivent en milieu rural, souvent avec une activité agricole », l’étude montre que la plupart des clients qui ont recours aux prêts de Nyèsigiso utilisent l’argent pour des dépenses professionnelles, majoritairement dans le domaine agricole : « 71% pour des intrants agricoles, 22% pour de la main d’œuvre », précise Jean-Baptiste Cousin.

Au quotidien, Nyèsigiso impacte donc très fortement la qualité de vie des clients : 47% déclarent une amélioration de leurs revenus, 26 % une amélioration de leur production agricole et 88% indiquent qu’ils ont amélioré leur capacité à planifier leurs finances.

Pérenniser Nyèsigiso

Pour poursuivre cette « belle histoire », Nyèsigiso a demandé et obtenu en 2021 un deuxième prêt de la SIDI. En effet, un réseau coopératif doit parvenir à détenir 15% de son capital en fonds propre, ce qui n’était pas le cas. « Ils ont beaucoup de membres, mais ce sont des personnes plutôt pauvres qui ne sont pas en mesure d’apporter beaucoup d’argent en capital », détaille Jean-Baptiste Cousin. Et si Nyèsigiso obligeait ses membres à prendre des parts sociales à un prix plus élevé, le risque serait de ne se consacrer qu’aux classes moyennes, donc de perdre son public cible.

« Nous avons fait un prêt subordonné, ce qui est du quasi-capital : cela permet de faire un prêt à long terme que les autorités bancaires de la zone locale considèrent précisément comme du capital », poursuit-il. Mieux, ce type de prêt agit comme une garantie auprès des autres investisseurs, car là aussi le risque est très important : si la structure s’effondre économiquement, la SIDI serait la dernière à récupérer son argent !

Après ce deuxième prêt, il n’est donc pas étonnant qu’un deuxième effet levier ait été constaté par la SIDI. « Pour l’instant, nous avons prêté l’équivalent de 500.000 euros » à l’organisme malien, indique Jean-Baptiste Cousin. Le premier prêt s’étale sur trois ans, avec un an de période de grâce, et le deuxième sur cinq ans avec deux ans de période de grâce. Des conditions extrêmement favorables pour Nyèsigiso.

Pour la SIDI, le risque reste entier, mais il est assumé. Et pour l’instant, tout se passe bien. Le chargé de partenariat se félicite de cette coopération réussie et de la confiance accordée à Nyésigiso. Car le réseau mutualiste malien touche pas moins de 250.000 personnes au Mali. Et son fonctionnement de réseau mutualiste, qui élit des représentants locaux pour prendre les décisions communes, permet de faire entrer des gens éloignés des instances de gouvernance dans différentes strates de la structure : « Nyèsigiso, c’est aussi une école de la citoyenneté », conclut-il.

Au Burkina-Faso, la SIDI a trouvé son sésame avec Bioprotect

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La SIDI travaille depuis 2021 avec Bioprotect, une PME agricole burkinabé qui favorise l’essor de pratiques Bio auprès de petits producteurs à travers des activités sur plusieurs filières, le sésame, le maraîchage et la production d’intrants bio.

Développer le bio de manière systémique au Burkina

« Ils ont une approche phénoménale ». Les mots sont forts, mais totalement justifiés, d’après Johan Thuard, chargé de Partenariats à la SIDI. Bioprotect a en effet un positionnement particulier : l’entreprise cherche à développer et valoriser le marché du Bio au Burkina-Faso de manière systémique en s’impliquant sur l’offre et la demande de produits issus de l’agriculture biologique.

Cette approche passe par deux volets. Le premier est de permettre aux producteurs de produire en bio. Cela se fait à travers la formation apportée par les équipes de Bioprotect auprès des petits producteurs, mais également par la vente de bio-pesticides et bio-engrais issus de la propre R&D de l’entreprise. Ces produits améliorent la fertilité des sols, la lutte contre les maladies et ravageurs, et permettent des rendements attractifs pour les producteurs.

Le deuxième volet porte sur la valorisation des produits Bio : Bioprotect travaille activement à proposer des débouchés pour les producteurs, notamment à travers la création de points de vente pour la commercialisation de leurs produits maraîchers, et la vente de sésame bio en local et à l’export. D’autres filières sont aussi à l’étude.

Bioprotect place ainsi les petits producteurs au centre de son modèle économique et par chacune de ses initiatives, vise à améliorer leur résilience. Cette démarche a un réel pouvoir d’entrainement vertueux pour permettre l’adoption, par les producteurs, d’une agriculture plus durable et participer à la démocratisation du Bio au Burkina-Faso. L’entreprise se fixe pour objectif de travailler avec 10.000 producteurs d’ici à 2030.

Un exemple qui illustre la mission de la SIDI

Le partenariat entre Bioprotect et la SIDI semblait naturel, puisque l’une des missions principales de la SIDI est « d’aider au développement d’économies rurales afin d’avoir un impact positif sur la vie de populations vulnérables », explique Johan. Par ailleurs, l’accroche environnementale de Bioprotect a son importance, étant donné la sensibilité de l’investisseur social français pour promouvoir des filières plus écologiques. En effet, dans un contexte de tension climatique, la SIDI a placé la transition écologique et sociale au cœur de son action.

C’est sur ce genre de partenariat que l’action de la SIDI prend tout son sens. Bioprotect est dirigée par un entrepreneur visionnaire, Arsène Savadogo, qui gère une petite équipe jeune et dynamique. L’entreprise a un fort potentiel, mais aussi des ressources limitées, qui par moment contraignent son activité. Dans ce contexte, la SIDI peut contribuer à aider au développement de l’entreprise à travers ses deux leviers d’action : le financement et l’accompagnement. La SIDI finance ainsi une partie des activités sésame de Bioprotect depuis 2021.

Un contexte pays compliqué

Basée à Ouagadougou, Bioprotect travaille avec des producteurs dans plusieurs régions du pays. La détérioration de la situation sécuritaire rend les activités plus compliquées dans certaines zones qui ne sont plus accessibles. En effet, le Burkina Faso est en proie à des attaques terroristes répétées, et aujourd’hui, selon certaines estimations, près de 40% du territoire échapperait au contrôle de l’Etat.

Dans ce contexte, Arsène et son équipe font preuve de beaucoup de résilience et de solidarité pour faire face à la situation. Par exemple, l’équipe a ouvert de nouvelles zones de production de sésame plus proches de la capitale, Ouagadougou. Pour autant, l’entreprise continue également de s’approvisionner auprès des producteurs se trouvant dans des zones affectées par la crise sécuritaire et de commercialiser leur production de sésame. Néanmoins, parce que Bioprotect ne peut plus se rendre sur le terrain et assurer la bonne application des pratiques Bio, la commercialisation se fait sur le marché conventionnel.

Du côté de la SIDI, la situation géopolitique n’altère pas le partenariat noué avec Bioprotect ni avec les autres partenaires Burkinabès. Johan explique « notre actionnariat solidaire nous donne la flexibilité de pouvoir prendre du risque et nous pousse à nous investir dans des contextes compliqués pour financer des organisations qui ont une empreinte sociale et environnementale positive localement ». Pour la SIDI, l’objectif est ainsi de rester présent durablement dans le pays, y compris parce que la situation se détériore, afin de soutenir à son échelle ses partenaires et la population du Burkina.