Vanille de Madagascar, rencontre au bout du monde avec un nouveau partenaire

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Retour de mission : Gabrielle Orliange nous raconte son périple hors du commun pour remonter la route de la vanille et nouer un nouveau partenariat pour la SIDI.

Avant de sublimer nos glaces, cannelés et crèmes anglaises, saviez-vous que la vanille parcourait une route semée d’embûches ? Pour la SIDI, Gabrielle Orliange a remonté le chemin de la vanille à la rencontre des coopératives, depuis Tananarive, capitale de Madagascar, jusqu’à la jungle des environs de Mananara. Nous vous proposons de la suivre, notamment le jour où elle rejoint une zone particulièrement isolée, et découvrir ainsi également une nouvelle facette du métier de chargé de partenariats à la SIDI.

Je réside à Madagascar où je suis chargée de partenariats à mi-temps pour la SIDI. Après avoir identifié un nouveau partenaire possible dans le secteur agricole, j’avais besoin d’aller le rencontrer sur le terrain. MVE (Madagascar Vanilla Export) est une PME familiale qui transforme la vanille pour pouvoir l’exporter. Elle achète la vanille à deux coopératives de producteurs et productrices, et les aide aussi à se structurer.

Après quatre mois d’échanges par mail, j’ai organisé une mission de sept jours à leur rencontre afin de présenter un rapport détaillé au Comité de financement de la SIDI dans la perspective d’un prêt.

MVE est basée à Tamatave, à environ 400 kilomètres de Tananarive, la capitale de Madagascar où je vis. Parcourir cette distance m’a pris une journée entière de taxi brousse. Puis j’ai continué en 4X4 encore deux journées sur des chemins cahoteux, à la rencontre des producteurs des zones littorales.

Rencontre sur les hauts plateaux

En ce quatrième jour, je dois rejoindre un village près de Mananara, situé sur des “hauts plateaux”1, dans une forêt très dense. C’est ici, dans cette zone particulièrement reculée, que pousse la vanille de meilleure qualité.

La piste est trop étroite pour un 4X4, et nous commençons par deux heures de moto dans la boue.  Lorsque j’arrive au village, une quinzaine de producteurs de la coopérative Label Vavasaha, qui en compte environ 500, sont réunis dans la salle commune du village. Je sens qu’ils ont surtout très envie de me montrer leurs plantations. Pour cela il faut encore s’enfoncer plus dans la jungle. Nous commençons par emprunter une pirogue, avant de finir par ouvrir le chemin à la machette.

Une fois arrivés, ils sont très fiers de me montrer leurs parcelles, là où se cultivent la plus belle vanille de Madagascar !

Je vois comme des gros haricots verts qui pendent des lianes enroulées autour des arbres. La vanille est une culture très exigeante, qui demande un soin constant. Originaire du Mexique, il faut la bouturer et féconder à la main les fleurs qui donneront la vanille.

Au bout du monde

Je suis frappée par l’isolement de ces producteurs. On a l’impression d’être au bout du monde. Madagascar est déjà une ile solitaire. L’immensité de son territoire ­et le manque d’accessibilité de la zone accroissent encore cette sensation.

D’une certaine façon, cet isolement, qui les protège des vols, arrange les producteurs. Mais en arrivant après quatre jours de transports acrobatiques, je comprends le coût logistique de la culture de la vanille. J’ai encore plus de respect pour MVE, obligé de faire avec cette réalité et son lot d’imprévus : les voitures en panne, les problèmes d’approvisionnement en carburant. Ce n’est pas évident d’aller chercher la vanille aussi loin.

La deuxième chose qui me marque, c’est de voir comment la vanille, par sa valeur, a permis de générer de la richesse. Même si ces zones sont très enclavées, je vois des motos un peu partout, des antennes paraboliques, des 4X4. Des biens très rares sur les plateaux agricoles proches de Tananarive, une région moins enclavée, mais plus pauvre, essentiellement productrice de riz.

Ici, tout le monde fait de la vanille, de quelques gousses à plusieurs kilos. Cette manne profite à tous, même si certains en profitent plus que d’autres.

Pour les producteurs et productrices, la différence vient de la manière d’écouler leur production. Ceux qui sont seuls ont plus de difficultés à vendre leur marchandise à bon prix. Mais ceux qui arrivent à se mettre en coopérative parviennent à négocier et vendre leur production à un meilleur tarif. MVE est soucieuse d’acheter aux producteurs des coopératives la vanille à un prix plus élevé que les prix du marché.

Visite du site de transformation

Sur la route du retour, je passe voir le site de la transformation finale, à Tamatave. L’entrepôt de MVE est situé dans un lieu discret, sain et sécurisé, avec des gardes.

Ici la vanille est séchée au soleil pendant plusieurs semaines. Ensuite les gousses sont triées avant d’être affinées dans des caissons pour développer leur arôme. Après plusieurs mois, elles sont contrôlées et classées par qualité avant d’être conditionnées pour l’exportation.

Dernière étape, la vanille est envoyée à Tananarive avant d’être expédiée en Europe. Les gousses, fragiles, voyagent par avion. La poudre, plus résistante, peut voyager en bateau. Il ne faut pas moins de 90 jours en moyenne pour rejoindre la France depuis Tananarive.

Une mission hors du commun

Cette mission aura été une véritable découverte pour moi qui vit pourtant à Madagascar. Jamais je ne me suis enfoncée aussi loin dans le pays. Les autres partenaires avec qui nous travaillons sur l’île dans le secteur de la microfinance sont beaucoup plus accessibles. Cela nous permet de trouver un équilibre. Si le partenariat avec MVE est un plus risqué financièrement pour la SIDI, il répond à sa vocation de soutenir le secteur agricole et de solidifier ce genre d’entreprises.

Comme c’est une structure qui n’a jamais bénéficié d’investissements, le prêt de la SIDI représente une vraie valeur ajoutée pour elle. C’est ce que nous appelons un « partenaire à impact », dont j’ai pu mesurer sur place l’engagement social et environnemental.

Le prêt a été décaissé à l’été 2024. Grâce à lui, la vanille a pu être achetée aux producteurs. Comme chaque année à cette époque, MVE est en attente de l’agrément d’exportation aux acheteur européens. La vente de la vanille permettra à MVE de rembourser le prêt de la Sidi. S’ils arrivent à rembourser et à tenir les délais, le prêt pourra être renouvelé en 2025 pour leur permettre d’acheter la vanille cet été.

 

Propos recueillis par Anne-Isabelle Barthélémy

 

1. Ce sont des hauts plateaux mais qui n’ont rien à voir avec la région des hauts plateaux malagasy qui culminent à 1500 m

Des nouvelles de l’UCLS à Madagascar

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Un partenariat dans la durée

L’Union des Coopératives Lanzan’ny Sambirano (UCLS) est une Organisation de Producteurs (OP) de fèves de cacao située à Madagascar autour de la vallée du Sambirano près d’Ambanja. Elle a été créée en 2010 par une association, l’ADAPS[i] dont l’objet était de structurer des chaînes de valeur agricole. L’UCLS a donc été institutionnalisée à l’origine par une association de développement local. C’est la chargée des partenariats de la SIDI à Madagascar qui, par sa connaissance du pays et de ses intervenants (ONG du nord notamment l’AFDI[ii]), est entrée en contact avec l’UCLS au moment où la SIDI cherchait à renforcer son engagement en direction de l’agriculture. L’UCLS et Ethiquable[iii] souhaitaient également s’engager dans une relation commerciale de long terme.

Des hauts et des bas mais une poursuite de partenariat

C’est en 2011, que le premier financement de la SIDI a eu lieu, son objet était le pré financement des coopératives membres de l’UCLS afin de leur permettre d’acquérir des fèves de cacao certifiées bio pour pouvoir ensuite les exporter (12,5 tonnes, équivalent à 1/2 container « standard »). Aujourd’hui, les financements de la SIDI permettent à l’UCLS d’exporter près de 250 tonnes par an de fèves de cacao certifiées bio. Ce partenariat n’a pas été linéaire car l’UCLS a subit des ralentissements dans son activité et des détournements, qui ont mené à la suspension des financements de la SIDI en 2016. Mais la SIDI, avec d’autres acteurs, a continué d’appuyer l’Union par de l’accompagnement, notamment le renforcement de la fonction comptable de l’organisation.

Des résultats aujourd’hui

Au-delà des résultats quantitatifs, les volumes passant de 12,5 tonnes de cacao exportées en 2011 à près de 250 tonnes aujourd’hui, l’UCLS a progressé dans son organisation, dans sa portée et dans la fidélisation de ses membres. Elle est passée de 6 coopératives au début de son activité à près de 20 aujourd’hui, entre 300 à 400 producteurs selon les années, qui lui fournissent des quantités croissantes de cacao. La relation est établie et la confiance présente pour que les producteurs approvisionnent régulièrement leurs coopératives (au lieu d’aller vendre à d’autres).

Bien qu’ayant dû faire face aux difficultés évoquées plus haut, l’organisation s’est adaptée aux besoins de ses membres. Elle a réussi à structurer 20 petites coopératives et les a appuyé notamment dans le processus de certification par des agents agricoles de l’Union. En dépit de l’état des infrastructures, l’UCLS parvient à envoyer régulièrement ses containers de cacao pour répondre aux contrats annuels passés avec Ethiquable et Valrhona[iv]. Aujourd’hui, l’UCLS appréhende les campagnes de collecte avec un peu plus de sérénité. Ses ressources de financement de campagnes sont plus diversifiées (autofinancement, financement SIDI, avance acheteur, crédit fournisseur) et plus importantes.

Et des défis

Malgré la situation liée à la pandémie du COVID-19, la SIDI et l’UCLS veulent poursuivre leurs collaborations. L’approche de long terme de la SIDI permet d’aborder certains défis comme le renforcement administratif de la structure sans trop alourdir ses process et ses coûts, l’augmentation des revenus pour les producteurs, l’intégration des plus petits producteurs dans les coopératives, et l’encouragement des jeunes à se lancer dans les exploitations cacaoyères.

Jean-Marie CAVARROC,

Chargé de Partenariats de la SIDI


[i] Association pour le Développement de l’Agriculture et du Paysannat du Sambirano (ADAPS)
[II] Agriculteurs français et développement international (Afdi), association de solidarité internationale qui construit des partenariats entre les mondes agricoles français et ceux des pays en développement.
[III] Ethiquable est une entreprise coopérative française spécialisée dans la vente de produits bio issus du commerce équitable.
[IV] Valrhona est une entreprise de l’agroalimentaire française spécialisée dans la transformation du cacao.